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LES FREINS AU PÂTURAGE S'ACCUMULENT

20 % des élevages laitiers bretons sont amenés à revoir leurs pratiques, et souvent à réduire le pâturage, pour respecter la directive nitrates. © P.L..C.

L'augmentation des quotas mais aussi le durcissement de la réglementation environnementale se conjuguent pour pousser les éleveurs à réduire le pâturage.

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MALGRÉ SES ATOUTS INDÉNIABLES, l'herbe pâturée pèse de moins en moins lourd dans les rations. Une situation qui interpelle car ce recul pèse sur les coûts de production, tout en réduisant l'autonomie protéique des élevages. Même en Bretagne, une région très favorable au pâturage, la pratique régresse. « Entre 2004 et 2009, la proportion d'éleveurs ne fermant pas le silo au printemps est passée d'un tiers à deux tiers », précise Jean-Marc Seuret, chargé d'études au pôle herbivores des chambres d'agriculture de Bretagne. Dans le même temps, la valorisation de l'herbe pâturée par les laitières est passée de 2,2 à 1,5 t de MS/an.

Pour comprendre les raisons de cette évolution, une enquête a été réalisée en Bretagne il y a deux ans. Elle ciblait ceux qui avaient arrêté de fermer le silo au printemps entre 2004 et 2007. Cette étude révèle tout d'abord que les éleveurs sont bien conscients des avantages économiques et nutritionnels de l'herbe pâturée. Mais ils soulignent aussi ses inconvénients. La sensibilité à la météo, comme le manque de rendement par rapport au maïs, le coût de la récolte et la technicité de la gestion apparaissent sans surprise comme les principaux reproches. À l'inverse, le maïs est apprécié pour la sécurité qu'il apporte et qui compense les surcoûts en termes de complémentation mais aussi d'équipement et de travail.

Pour ces éleveurs, fermer le silo au printemps est intéressant sur le plan du travail. Mais cette pratique est jugée stressante car la production est alors plus sensible aux aléas climatiques. 43 % de ceux qui ne ferment plus le silo au printemps l'expliquent par la nécessité d'augmenter la production individuelle. En effet, les rallonges de quotas ont été importantes durant la période. Ceux qui ont voulu y répondre sans trop élargir leur effectif ont choisi d'augmenter la productivité des vaches.

À l'avenir, 40 % des éleveurs interrogés se disent prêts à fermer à nouveau le silo au printemps en cas d'année favorable à l'herbe. Ceci concerne surtout ceux qui disposent d'au moins 30 à 40 ares d'herbe par vache. Mais les autres ne reviendront pas en arrière.

APPRENDRE À BIEN VALORISER L'HERBE

« L'augmentation des quotas a été un élément fort dans la décision de maintenir le maïs au printemps », souligne Jean-Marc Seuret. Pourtant, certains continuent de privilégier le pâturage malgré un effectif en croissance. Les chambres d'agriculture bretonnes ont constitué un réseau d'élevages maintenant l'herbe avec de grands troupeaux. L'enjeu est d'analyser leurs pratiques et d'en tirer des enseignements pour éviter que l'agrandissement se couple à une réduction du pâturage. « L'autre axe d'action concerne la conduite au printemps. Distribuer du maïs ne doit pas pénaliser la valorisation de l'herbe pâturée. » Des techniques permettent de ne pas gaspiller l'herbe.

Depuis la réalisation de cette enquête, le prix des céréales a flambé. La concurrence entre les prairies et les cultures de vente, qui apparaissait à peine il y a deux ans, s'est probablement renforcée. S'y rajoute le durcissement de la réglementation en application de la directive nitrates. Les normes de rejets azotés des vaches ont été revues. En effet, l'ancienne valeur de 85 kgN/vache masquait une variabilité de 30 %. Les nouvelles normes tiennent compte du niveau de production des animaux et du temps passé à l'extérieur des bâtiments. « Cette évolution se justifie sur le plan technique, précise Pauline Defrance. Mais il aurait fallu aller au bout du raisonnement et considérer aussi le potentiel de valorisation de l'azote par les cultures. »

Car si les rations à base d'herbe sont plus riches en azote, les prairies sont aussi capables de valoriser davantage d'azote. L'herbe absorbe environ 30 kgN/t de MS contre 13 pour le maïs. Cette donnée a été ignorée dans les textes. La norme de 170 UN/ha reste donc la référence dans les zones vulnérables.

Ces règles pénalisent clairement les systèmes de production basés sur le pâturage. Les éleveurs les plus affectés sont ceux qui ont signé une MAE (mesure agro-environnementale) portant sur les systèmes fourragers économes en intrants, ou visant une réduction de la fertilisation.

DES VOIES D'ADAPTATION QUI PRÉSERVENT LE PÂTURAGE

« Des adaptations permettent de réduire la pression azotée », précise Pauline Defrance. Il s'agit par exemple de réduire le nombre de génisses en les faisant vêler plus tôt, en déléguant leur élevage, ou encore de dénoncer un plan d'épandage pour compenser par des achats d'engrais. Ce type de pratiques peut permettre de gagner 20 kg d'azote. Mais elles ont d'autres implications, économiques notamment, et ne peuvent se décider du jour au lendemain. En Bretagne, 20 % des éleveurs se trouvent contraints à revoir leur système pour respecter ces nouvelles normes. Beaucoup réduiront le pâturage. Et cette évolution réglementaire porte un coup à l'image de l'herbe pâturée, généralement reconnue pour ses avantages sur le plan de l'environnement.

PASCALE LE CANN

« L'autonomie protéique constitue un enjeu majeur » JEAN-MARC SEURET, PÔLE HERBIVORES DES CHAMBRES D'AGRICULTURE DE BRETAGNE

« L'herbe possède de véritables atouts environnementaux » PAULINE DEFRANCE, PÔLE HERBIVORES DES CHAMBRES D'AGRICULTURE DE BRETAGNE

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